1888, Erik Satie compose ses « Gymnopédies »

Dans Musicopolis (France Musique), Anne-Charlotte Rémond retrace l’aventure des « Gymnopédies » d’Erik Satie. Plus de 20 ans séparent la date de la composition de la Gymnopédie n° 1 de son accès à la notoriété grâce à la création de l’œuvre au piano par un certain…Maurice Ravel !

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Composées entre février et avril 1888, les Gymnopédies d’Erik Satie seront rapidement publiées mais ce n’est qu’en 1911 qu’elles deviendront célèbres.
C’est en 1896 qu’on pourra entendre la première audition des Gymnopédies dans une version orchestrale, grâce à Claude Debussy. Ami d’Erik Satie depuis quelques années, le compositeur, déjà un peu connu, notamment par l’exécution en concert du Prélude à l’après-midi d’un faune, réalise une orchestration de la première et de la troisième Gymnopédie.
On peut lire dans L’Echo de Paris du 23 février 1897, dans sa fameuse « Lettre de l’Ouvreuse », sous la plume acide du critique Henry Gauthier-Villars dit Willy :

« La Société Nationale nous a conviés à son 259ème concert, orchestre sous la direction du caustique Doret, concert qui, pour être d’une gaieté moins folle que le Pompier de service, ne m’en a pas moins intéressée…Quant aux « Gymnopédies », conçues par une andouille mystique, Debussy les a délicatement orchestrées, rendant fort admissible, du moins pendant les cinq minutes qu’elle dure, cette machinette dont le léger maboulisme centre-gauche ne rappelle guère la musique de scène composée par le même Erik Satie, ignare en ébullition, pour le péladanesque « Fils des Etoiles » ; j’ai pu voir le monstre lui-même, fâcheuse tête de potard obséquieux. »

Après la parution de cet article,  certainement difficile à digérer pour Satie, on ne trouve pas trace de concert de ses œuvres avant 1904 et 1905, où on entend sa musique dans divers cabarets. Ce sont des chansons humoristiques, sur des rythmes de danses à la mode…

M. Erik Satie prend rang au nombre des plus hardis pionniers de la musique.

C’est alors qu’en 1911, un jeune compositeur, qui revendique de lui devoir beaucoup, joue au piano trois de ses œuvres lors d’un concert de la Société Musicale Indépendante, la nouvelle institution qui veut justement faire entendre la musique des jeunes compositeurs français qui n’ont pas leur chance à la vénérable « Société Nationale », là où avait été donnée l’orchestration de Debussy de deux Gymnopédies. Ce compositeur, c’est Maurice Ravel.
Le critique et compositeur Louis Vuillemin prend la plume le 19 janvier 1911 pour commenter le concert au cours duquel Ravel a donné plusieurs œuvres de Satie :

« Nous voici au plus remarquable moment de la soirée : les pièces pour piano de M. Erik Satie. Ce musicien étonne par la hardiesse des inspirations qu’il eut en… 1887. Il nous apparaît aujourd’hui un peu comme le Liszt des musiciens contemporains. Je me hâte de m’expliquer. De grands compositeurs ont consciencieusement emprunté à l’auteur de la Faust Symphonie. Eh ! bien, il est indéniable que plusieurs de nos leaders musicaux d’avant-garde ont lu avec une attention extrême les productions de M. Erik Satie. Ayant lu, ils ont retenu. M. Erik Satie a entrevu Pelléas. Cette clairvoyance lui valut, il y a 25 ans,  d’être pris pour un fou. En vérité, la 2ème Sarabande, Le Fils des Etoiles et la Troisième Gymnopédie sont infiniment curieuses ; elles sont même troublantes. Par elles, et par d’autres œuvres encore, M. Erik Satie prend rang au nombre des plus hardis pionniers de la musique. » 

A partir de cette date, grâce au concert de Ravel, et à Debussy qui donnera quelques semaines plus tard ses orchestrations des Gymnopédies, Satie va enfin accéder à une certaine notoriété…

 

Source : France Musique / Musicopolis

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