A table

Auberge du Clou

Personnellement, j’ai toujours eu pour l’Art Culinaire une vive admiration, admiration nullement mitigée. Les « plaisirs de la table » sont loin de me déplaire, au contraire ; et j’ai pour la « table » une sorte de respect, plus, même.

Qu’elle soit ronde ou carrée, elle m’apparaît « cultuelle » et m’impressionne comme un grand autel (même « Terminus » ou « Continental », si j’ose dire). Oui.

Pour moi, manger est un devoir, un devoir agréable de vacances, bien entendu ; et je tiens à accomplir ce devoir avec une exactitude et une attention soutenues.

Doué d’un bon appétit, je mange pour moi, mais sans égoïsme, sans bestialité. Autrement dit, je me « tiens mieux à table qu’à cheval » bien que je sois assez bon cavalier.

Mais ceci est une autre histoire, comme le remarque si justement M. Kipling.

Dans les repas, mon rôle a son importance : je suis convive, comme, au théâtre, d’autres sont spectateurs. Oui… Le spectateur a un rôle défini : il écoute et voit ; le convive, lui, mange et boit. En somme c’est la même chose — malgré toute la dissemblance qui existe entre ces deux rôles. Oui.

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Ecrits : L’Intelligence et la musicalité chez les animaux

Parade

L’intelligence des animaux est au-dessus de toute négation. Mais que fait l’homme pour améliorer l’état mental de ces concitoyens résignés ? Il leur offre une instruction médiocre, espacée, incomplète, telle qu’un enfant n’en voudrait pas pour lui-même : et il aurait raison, le cher petit être. Cette instruction consiste surtout à développer l’instinct de cruauté et de vice qui existe ataviquement chez les individus. Il n’est jamais question, dans les programmes de cet enseignement, ni d’art, ni de littérature, ni de sciences naturelles, morales, ou d’autres matières. Les pigeons voyageurs ne sont nullement préparés, à leur mission, par un usage de la géographie ; les poissons sont tenus à l’écart de l’étude de l’océanographie ; les bœufs, les moutons, les veaux ignorent tout de l’agencement raisonné d’un abattoir moderne, et ne savent pas quel est leur rôle nutritif dans la société que s’est constituée l’homme.

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N’allez pas au café

Erik Satie à Montmartre

De nos jours, Raoul Ponchon, lui, sait ce que c’est que d’aller au café. Je l’y ai vu bien souvent ; par contre, il ne me voyait pas : j’étais trop bien caché.

Il m’est impossible de vous citer ici tous ceux que je connais et qui vont au café — vous vous en doutez. Je ne crois pas que d’aller au café, ou à tout autre endroit de ce genre, soit mauvais en soi ; j’avoue y avoir beaucoup travaillé ; et je crois que les illustres personnages qui y furent avant moi n’y ont pas perdu leur temps. Il s’y fait un échange d’idées qui ne peut être que profitable — à la condition de ne pas se faire remarquer.

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Ecrits : Les libraires

Librairie Shakespeare Joyce, Beach, Monnier, Maison des amis des lettres par Gisele Freund

Vendre, acheter des livres – quel régal ce doit être ! et combien j’ai de plaisir à visiter mes amies libraires Adrienne Monnier et Sylvia Beach !

La première de ces chères amies fonde sa maison en pleine guerre ; la seconde s’est installée, il y a deux ans – sous la protection du magnifique Shakespeare. Elles sont, à mes yeux, un exemple de courage.

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Oublier Suzanne

 

 

il s’affale sur le clavier

la fulgurance du chapelet de notes l’apaise

 

espérer trouver l’inspiration dans la fadeur de l’aube naissante n’est pas dans sa nature ; au rai de lumière lactescent qui peine à trouer la crasse poisseuse qui plombe la dentelle du rideau, il préfère le lacis familier des moisissures qui colonisent le papier peint, là, juste devant lui, sur le mur où est adossé le piano

 

il écoute

dissonances infinies

le petit studio d’Arcueil est une cathédrale