Invitation au voyage

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A l’occasion de la fête de la Musique, la ville de Saint Vallier rend hommage à Erik Satie, le vendredi 23 juin à 20h 00, aux champs de Mars, avec une présentation du futur spectacle de l’association Amil « Satie ressuscité ».
En effet, Erik Satie va répondre à cette occasion à la convocation de Dieu, délivrée par Saint Pierre. Après la première gymnopédie, il en profitera pour préciser, dans un court extrait de ce spectacle, sa liaison avec Suzanne Valadon en interprétant notamment la chanson qu’il avait écrite pour elle, le 02 avril 1893 « Bonjour Biquie ». Il évoquera ensuite les péripéties de cette liaison amoureuse grâce à d’autres chansons comme celle qu’il avait composée, dix ans plus tard, pour Paulette Darty : « Allons-y Chochotte. »
Ce voyage pour rejoindre Dieu est pour nous l’occasion, dans ce présent article, de nous régaler avec les savoureuses facéties de notre génial compositeur. Car après tout, c’est Satie qui parle le mieux de Satie.
Reprenons donc quelques réparties sur sa proximité avec Dieu et son humour pour masquer son aversion pour les voyages.
1) Voyons comment Satie nous émeut, lorsqu’il nous parle de Dieu :
« L’homme prétend qu’il a été créé à l’image de Dieu, c’est possible après tout. »
« Constamment assis au côté du doigt de Dieu, je me forme à honorer journellement Ma mémoire »
« Je ne sais si vous priez Dieu autant que moi – et aussi bien. Ce que je sais, c’est que vous ne pouvez pas le prier plus. Aussitôt levé, crac ! ça ne rate pas. Je me mets à évoquer le sacré nom de Dieu et je ne m’en porte pas plus mal, ni mieux du reste ».
« Pourquoi nous attaquer à Dieu lui-même ? Il est aussi malheureux que nous pouvons l’être. Depuis la mort de son pauvre fils, il n’a plus le goût à rien et mange du bout des dents. Bien qu’Il l’ait assis à sa bonne vieille droite, Il est encore tout épaté que les hommes aient pu lui faire un si mauvais coup vis-à-vis de celui qu’il chérissait et Il n’a pas de temps que pour murmurer sur le mode le plus triste : cela n’est pas honnête. Je doute qu’Il envoie, en ce monde, même un de ses neveux. Les hommes l’ont dégouté de faire voyager sa famille ».



A travers sa correspondance, on constate cependant qu’au fur et à mesure que ses conditions empirent, ses rapports avec Dieu se gâtent progressivement : « Je finis par croire que le bon Dieu est un de ces salauds comme il n’y en a pas beaucoup. Sa prétendue miséricorde, je vois bien qu’il se la fout quelque part et qu’il ne la sort que dans les occasions les plus rares. Vous voulez que je vous dise ? Ça ne lui portera pas bonheur et rien ne m’étonnerait s’il en arrivait à perdre sa place ».
En 1925, pendant sa dernière maladie, Jacques Maritain lui propose de lui amener à l’hôpital un certain abbé Saint. Satie accepte de bon cœur : « Faites, mon ami lui dit-il. J’aimerais bien voir un Saint avant de mourir. »
Peu après, on apprend qu’il a été administré : « Ce matin, dit-il à son jeune ami Robert Caby, on m’a donné une pastille… »
Bien après l’enterrement d’Erik Satie, son frère Conrad note ses impressions sur un carnet : « En m’éloignant du caveau écrit-il, j’entends la voix gouailleuse de Satie dire au Bon Dieu : « Le temps de passer ma jupe et je suis à Vous ».

2) Satie ressuscité voyagera donc en Drôme prochainement. C’est l’occasion de faire également un point sur ses voyages. Nous savons que Satie n’aime se déplacer qu’en marchant. Il peut communiquer ainsi avec la nature et les âmes sœurs qu’il rencontre en chemin. S’il ne peut pas marcher, il limite, autant que faire se peut, ses déplacements. On peut se demander pourquoi Erik a rarement fait des longs voyages. Madame Ornella Volta a expliqué cette phobie par les traumatismes liés aux diverses séparations qu’il aurait subies dans sa petite enfance.
Nous n’évoquerons pas ici ses rares visites avec son frère Conrad ou son ami Alfonse Allais à Honfleur pour voir les Monnier. Nous ne nous attarderons pas non plus sur ses deux voyages en Belgique en janvier 1921 et en mars 1924.
Revenons plutôt au mois de février 1917. Tout en regrettant de se séparer de ceux qui travaillait avec lui, Erik Satie avait refusé de suivre les ballets russes en Italie pour les répétitions du ballet Parade.
« Connaissez-vous Rome ?» lui avait demandé alors Diaghilev, un peu surpris. « De nom, avait-il répondu, rien que de nom. »
Ne restons pas à quai. Souvenons-nous d’un autre petit voyage. Un dimanche, un couple avait amené Satie chez Picabia à Tremblay-sur Mauldre. Pendant le trajet en chemin de fer, il se promenait d’un wagon à l’autre. Rencontrant le contrôleur dans le couloir, Satie l’a félicité : « Vous avez un très beau train, cher Monsieur ! »
Apparemment, Erik Satie avait l’humeur badine lorsqu’il utilisait le chemin de fer. Alors, imaginons le voyage en janvier 1924 où Erik Satie s’était déplacé avec Georges Auric, les ballets russes et Diaghilev à Monte-Carlo pour compléter l’adaptation du Médecin malgré lui de Charles Gounod.
On peut supposer qu’Erik Satie avait pris le chemin de fer PLM pour se rendre à Monte-Carlo. Si cela avait bien été le cas, qu’aurait-il dit au contrôleur ? S’il avait bien pris ce train, il serait probablement passé par la gare de Saint-Vallier, desservie par le PLM. Mais dans cette hypothèse, aurait-il vraiment connu cette ville, voir même son nom?
A l’occasion de la fête de la musique, l’association Amil proposera donc un extrait de sa pièce de théâtre burlesque et illustrera ainsi la citation de Jean Cocteau « Erik Satie trace une route blanche où chacun peut laisser ses empreintes… »

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